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31 March 2021

De: Luc Godbout et Suzie St-Cerny

À:  Ministres du travail canadien

Date: 31 mars 2021

Re: Service de garde à faible coût : Favoriser la participation des femmes aux marchés du travail

Récemment, l’OCDE publiait une étude économique sur le Canada (mars 2021). Un constat sévère y apparait : « l’offre de services de garde d’enfants abordables et de qualité demeure inadéquate, ce qui contraint des femmes à travailler à temps partiel et à interrompre leur carrière, et alimente les inégalités entre hommes et femmes. »

Pourtant le Canada a, sur son territoire, l’expérience québécoise pouvant lui servir de guide. Au Québec, un programme de services de garde à contribution réduite pour les enfants d’âge préscolaire a vu le jour il y a bientôt 25 ans.

Même s’il a débuté modestement en ciblant d’abord les enfants de 4 ans, il couvre maintenant à la fois les enfants d’âges préscolaire et scolaires. Le tarif unique est de 8,50 $ par jour en 2021.

En plus de ces places de garde à contribution réduite, le Québec offre également aux autres ménages avec enfants un généreux crédit d’impôt remboursable pour frais de garde variant de 75 % à 26 % des frais de garde admissibles, selon le niveau de revenu familial net.

Évidemment, tout cela à un coût. En 2020, le gouvernement consacrait autour de 3,3 milliards de dollars (2,7 milliards de dollars pour les services de garde à contribution réduite et environ 610 millions de dollars pour le crédit d’impôt remboursable pour la garde d’enfants).

L’« expérience » québécoise attire les regards de certains organismes comme l’OCDE ou la Banque du Canada pour ses effets positifs sur l’emploi.

À partir des données de l’Enquête sur la population active que mène Statistique Canada[fn]Statistique Canada. Tableau 14-10-0327-01 Caractéristiques de la population active selon le sexe et le groupe d'âge détaillé, données annuelles[/fn] adaptée par l’Institut de la statistique du Québec, les taux d’emploi des mères âgées de 25 à 54 ans qui ont un enfant de moins de 6 ans est analysé. Ce groupe est ciblé car il s’agit de celui qui est le plus susceptible de bénéficier de la mise en place du programme de garderies à contribution réduite du Québec.

En 1996, avant son introduction, le taux d’emploi des mères âgées de 25 à 54 ans au Québec était plus faible (59,9 %) qu’au Canada sans le Québec (62,3 %) de 2,4 points de pourcentage. De 1996 à 2019, le taux d’emploi des mères a augmenté de 18,4 points de pourcentage au Québec, soit 2,5 fois l’augmentation du Canada sans le Québec (7,4 Points) et de l’Ontario (7,2 points)

Ce faisant, le taux d’emploi des mères est, en 2019, significativement plus élevé au Québec que dans le Canada sans le Québec (9,1 pts). Le programme de garderie à contribution réduite est clairement, en partie du moins, un élément explicatif de ce renversement du taux d’emploi des mères âges de 25 à 54 ans

Évolution des taux d’emploi des mères âgées de 25 à 54 ans ayant des enfants de moins de 6 ans, Canada sans le Québec et Québec, 1996-2019

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En insérant les données québécoises et du Canada sans le Québec parmi celles des pays de l’OCDE, la comparaison internationale offre une perspective intéressante. D’abord, on y constate une amélioration générale du taux d’emploi des femmes âgées de 25 à 54 ans (sans égard au fait qu’elles aient ou non des enfants). Et, on peut voir que si en1996, le Québec tirait le taux d’emploi canadien vers le bas, en 2019, il le tire maintenant vers le haut. Le Québec se classe tout juste derrière la Suède pour le plus fort taux d’emploi des femmes de 25 à 54 ans. Dans son cas, le Canada sans le Québec a glissé dd la 10e à la 15e position.

Ces données montrent les gains potentiels pour le gouvernement canadien d’appuyer les provinces dans le développement d’un système de garde à faible coût. Comme le soulignait la vice-première ministre et ministre des Finances Chrystia Freeland dans sa mise à jour économique de l’automne, le Québec peut montrer au Canada la voie à suivre en matière de garde d’enfants.

À cet égard, l’ancien gouverneur de la Banque du Canada Steve Poloz, lors d’une conférence en 2018, déclarait que si l’on pouvait juste porter le taux d’activité des femmes de 25 à 54 ans du reste du pays au niveau de celui du Québec, cela ferait déjà croître de près de 300 000 personnes la population active du Canada. Dans un discours en février 2021, l’actuel gouverneur, Tiff Macklem, a également mis de l’avant l’importance d’élargir l’accès à des services de garde à plus bas coût.

C’est également une recommandation qui ressort de l’étude des auteurs Ken Boessenkool et Dr. Jennifer Robson publié le 30 mars 2021 à l'Institut C.D. Howe. 

Voilà une politique à la fois favorable à la croissance économique en général, à la réduction des inégalités en particulier et plus spécifiquement encore à l’autonomie financière des femmes.

Luc Godbout est titulaire de la Chaire en fiscalité et en finances publiques de l’Université de Sherbrooke et Suzy St-Cerny est professionelle de recherche à la Chaire en fiscalité et en finances publiques.

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Les opinions exprimées dans cet article sont celles de les auteurs. L’Institut en tant qu’organisme ne prend pas position sur des questions de politique publique.